Paige ► Lost Soul

Une silhouette était dressée en haut d'une estrade et des dizaines d'autres, assises, la fixait avec curiosité. L'adolescente se triturait nerveusement les mains, yeux rivés au sol. Le trac. Elle avait le trac.
" Eh bien, n'aie pas peur ! Présente-toi à tes nouveaux camarades. " L'encouragea une voix masculine. Celle du professeur. Ce dernier lui offrit un sourire rassurant.
La jeune fille déglutit, replaça une mèche de cheveux derrière son oreille et  acquiesça avant de commencer, hésitante :
" Je m'appelle Paige O'Neill... J'ai 16 ans et je viens d’emménager ici... Je suis nouvelle dans cette école et cette ville... Je viens de Belfast, en Irlande du Nord... " Elle lança un regard suppliant à l'enseignant. Celui-ci comprit le message et mit fin à sa torture en l'invitant à s'installer au fond de la classe, aux côtés d'une blonde aux airs songeurs. En passant dans les rangs, l'Irlandaise capta des commentaires sur son accent étranger. Cela lui fit baisser la tête. Elle allait avoir du mal à s'intégrer, ici, aux Etats-Unis...
" Fais pas attention. "
" P-Pardon ? " La nouvelle venue releva le menton. Son regard bleu venant se plonger dans celui de sa voisine de table.
" Fais pas attention à leurs messes-basses. " Répéta la demoiselle en lui souriant. Un bien beau sourire... " Je le trouve tout sauf bizarre ton accent, moi. Au contraire, il est mignon. "
L'étrangère se sentit rougir à la fois de gêne et de reconnaissance. Ses lèvres se fendirent, malgré elle, en une franche et heureuse esquisse.
" C'est gentil, merci ! "
Finalement, l’intégration n'était pas si compliquée. Il fallait juste tomber sur la bonne personne. Et, bien que Paige ne connaissait encore en rien cette fille, elle pouvait presque dire avec certitude que cette blonde jouerait un rôle crucial à sa nouvelle vie.
Elle ne se trompera, par là suite, pas là-dessus...




L'amitié, bien vite, fleurit en amour. (Un an plus tard)

Une chambre d'ado, des fiches de cours éparpillés et deux filles plus occupées à s'embrasser que réviser.
La porte s'ouvre, donnant sur la personne n'ayant pas pris la peine de frapper : Madame O'Neill. Un hoquet de surprise s'échappe des trois femmes.
" M-Maman ! C-C'est... Je comptais te le dire ! " S'affola son enfant prise en flagrant délit. Les traits de la mère se durcirent.
" Dehors. " Lâcha-t-elle avec un tac glacial.
" Maman... " " Madame O'Neill... " Prononcèrent en cœur les deux amantes d'un ton implorant, voulant éviter les problèmes.
" DE-HORS. " Répéta la grande femme rousse en articulant et haussant la voix. " Et pas qu'elle. Toi aussi. " Cracha-t-elle, tel un venin, à sa fille. Les larmes gagnaient les yeux de cette dernière lorsque la voix cristalline d'une enfant de dix ans retentit au seuil de la porte :
" Maman ? Paige ? Il y a un souci ? Pourquoi vous vous disputez ?... "
C'était la petite sœur de l'adolescente. Son adorable, précieuse et chérie petite Gabrielle. La demoiselle, serrant d'une main celle de sa compagne et usant de l'autre pour chasser ses larmes, lui offrit un sourire avant de mentir :
" C'est rien, ma belle. Je vais juste... Dormir chez mon amie quelque temps, d'accord ? "
Au passage, le regard de la plus grande des deux O'Neill se posa sur celui de son amour. Une supplication visuelle.
" Bien sûr. Ma mère sera d'accord... " La rassura la blonde en lui caressant, du pouce, le dos de la main. " Viens, on y va... " Ajouta-t-elle en souriant à la petite et fusillant, discrètement, la mère des yeux. Paige aurait presque pu l'entendre  lui murmurer un "vous êtes ignoble" avant de quitter le logis de sa belle et prendre la direction du sien en réconfortant sa dite belle en pleurs.




" Attends-moi là. "
Un petit baiser à la volée, puis, la portière du véhicule se referma. L'Irlandaise se dirigeai vers ce logement lui étant aussi familier qu'hostile et y frappa trois fois. La porte s'ouvrit sur une rouquine rayonnante de gaieté et une blonde d'âge mur aux traits fermés.
" Paiggiiiiie ! " Sa sœur lui sauta au cou pour l'étreindre avant de s'armer de son sac-à-dos et se ruer vers la voiture où patientait sa compagne. " Je vais dire bonjour tout de suite ! "
" Surexcitée va ! " Ria son aînée. Cela lui faisait toujours plaisir de voir sa cadette impatience de passer un week-end chez elle. Ou plutôt chez elleS.
" Toujours avec cette fille ? " Demanda la mère d'un air dédaigneux. Cet air... Il n'avait pas changé depuis plus de cinq ans. Le seul étant offert à son indigne de fille. Sa fille lesbienne.
Un soupir franchit les lèvres de la jeune femme. Les liens parentaux ne s'étaient jamais améliorés avec le temps. Et, ne s'amélioraient probablement jamais. La seule chose réunissant, encore, géniteurs et fille aînée l'espace d'un instant étant la seconde et dernière enfant de la famille. L'adolescente à la crinière de feu d'une quinzaine d'années, maintenant.
" Bonjour. Comment vas-tu ? Je vais bien aussi, merci. " Répondit la reniée avec un sarcasme cinglant avant de rouler du regard et ajouter : " Oui. Toujours. Et cette fille a un nom. Et je compte bien rester avec cette fille aussi longtemps qu'elle voudra de moi. Sur ce... " Un vague geste de la main et la blonde tourna les talons, rejoignant les deux femmes de sa vie. Celles pour qui elle pourrait tout faire. Celles qu'elle chérit le plus au monde. " A Lundi. Je te la ramènerais le soir. On ne se voit pas souvent alors on aime avoir du temps entre nous trois. " Elle accentua le ton sur le dernier mot. Faisant, ainsi, bien comprendre l'importance de sa petite-amie aussi bien dans sa vie que dans celle de sa sœur. Et ce, que cela plaise ou non à ses parents.




Le corps de la O'Neill se laissa lourdement tomber sur le sofa auprès de sa dulcinée captivée par la télé. Intriguée par l'expression de celle-ci, la miss porta, elle aussi, son attention sur l'écran. Un journaliste parlait d'une étrange maladie qui, jusqu'ici, était inconnue des scientifiques. Un virus persistant au point d'en être déjà traité d'épidémie. Un virus ramenant, soi-disant, les morts à la vie.
La jeune femme souffla et posa une main sur l'épaule de sa petite amie en la lui caressant avec le pouce.
" Les journalistes et leurs grands mots. Ils exagèrent dans leurs propos. Ça doit être une épidémie de grippe. Ce n'est ni la première, ni la dernière au monde. "



Écouteurs enfoncés dans les oreilles, Paige arpentait les rues dans le but de rejoindre son domicile. Elle avait quitté le travail plus tôt. A cause de cette histoire de maladie transmissible, peu de parents avaient déposés leurs enfants à la garderie. Préférant les avoir près d'eux, en sûreté. La blonde n'avait eu, par conséquent, que peu à faire.
Alors qu'elle marchait en fredonnant la musique provenant de son téléphone, cette dernière fut subitement coupée par la sonnerie annonçant un appel. La demoiselle sortit donc son smartphone de sa poche en fronçant les sourcils d'un air interrogateur, avant de décrocher.
" Madame Crowley ? (...) Hum ? Eli ? Elle est au travail, pourquoi ? (...) Quitter la ville ? Mais pourquoi ? (...) Oooh ! Mais non ! Ne vous en faite pas. Ce ne sont que de rumeurs, aucun mort ne revient à la vie. Vous paniquez pour rien, je vous assure, je vais très bien et Elizabeth aussi. " A l'autre bout du fil, la mère de sa compagne parlait dans le vide. Paige attend bien plus préoccupée par la démarche titubante d'un homme en face d'elle. " Excusez-moi, je vous rappelle plus tard ! " Dit-elle avant de mettre fin à la discussion. " Tout va bien monsieur ? " Lança-t-elle, inquiète, au vieil homme. Probablement l'un de ces pauvres SDF n'ayant, pour seul refuge, l'alcool. " Vous devriez vous asseoir. Vous ne semblez pas en pleine forme. " Lui conseilla-t-elle en s'approchant de lui, prête à venir en aide. C'est là qu'elle vit. Là qu'elle comprit.


Elizabeth fut injoignable et sa sœur introuvable. Paige n'avait cessé de fouiner en même temps qu'elle fuyait, dans l'espoir de les retrouver. En vain. Les jours passés et les Hommes, un par un, trépassaient avant de,de nouveau, se redresser. La blonde était apeurée, déboussolée, au bord du gouffre. L'idée de se suicider lui avait, bien souvent, traversé l'esprit. Mais elle ne pouvait pas. C'était inconcevable. Elle ne pouvait pas finir comme eux. Elle ne pouvait pas finir sans elles...