Il faut apprendre à parler des choses les plus compliquées + Oswin

Pourquoi est-ce que j'ai fait ça ? Pourquoi je les ai laissé partir ? Pourquoi ce jour avait existé ? Ces questions tournaient toujours en boucle dans ma tête. Je m'en voulais tellement. Surtout depuis que j'avais retrouvé Oswin. J'avais l'impression qu'il m'en voulait, qu'il me reprochait quelque chose. C'était légitime, il avait le droit de m'en vouloir, après tout, j'avais la garde de notre petit frère et je l'ai laissé partir. Je n'ai jamais réussi à le retrouver. Oswin m'avait retrouvé une semaine auparavant et étrangement, il ne m'avait jamais reparlé de lui, uniquement la nuit de nos retrouvailles. Savait-il réellement la vérité ? Je ne savais pas. Je ne savais plus grand-chose. Mon frère me manquait, comme il devait manquer à Oswin, qui n'avait pas vécu ce déchirement douloureux avec lui. Ils ne se voyaient pas souvent ces derniers temps, Oswin allait peut-être s'en vouloir pour ça et surtout m'en vouloir. C'était de ma faute si aujourd'hui, il ne se trouvait pas là à nos côtés. J'avais envie et surtout, j'avais besoin d'en parler avec Oswin pour pouvoir me débarrasser en partie d'un poids, je voulais savoir si Oswin m'en voulait pour ça. Peut-être qu'à deux, nous aurions plus de chance de retrouver notre petit frère qui était peut-être … mort. Ce mot me glaçait le sang. Je ne pouvais l'imaginer une seule seconde sans vie, c'était impensable. Mon frère était vivant, en sécurité, en bonne santé et entourée de personnes aimantes qui faisaient tout pour le protéger davantage et le maintenir en vie. Je voulais garder cette image du petit garçon heureux qui aimaient venir passer quelques jours à la maison sans se soucier du danger. Si mon mari l'avait perdu. S'il était seul, vraiment seul. Il devait vraiment être effrayé. Pourquoi est-ce que je n'avais pas bravé le danger pour les rejoindre, comme j'aurais dû le faire. J'étais perdu dans mes pensées les yeux remplies de larmes, jusqu'à ce qu'un bruit attire mon attention. Oswin était de retour dans notre cachette. Je devais tout faire pour ne pas qu'il voit la tristesse qui envahissait mon visage à cet instant. Je voulais en parler avec lui rapidement, mais en même temps, je ne me sentais pas encore prête. Il allait m'en vouloir, me reprocher des tas de choses et je jouais déjà beaucoup ce rôle, pour le moment, je préférais rester seule dans ce rôle.

Quelques jours étaient passés depuis qu'il avait retrouvé sa soeur, Louise. Depuis ce jour, Oswin n'avait pas eu le courage de parler de sa femme, de tout ce qui était arrivé depuis qu'ils ne s'étaient pas vus et de son frère. Louise non plus, n'avait jamais reparlé de leur frère. Pour Oswin, c'était clair, du moment où les mots n'avaient pas été prononcés clairement, il lui restait cet infime espoir : son frère n'était pas mort. Cette petite voix au fond de lui lui soufflait pourtant que cette idée était ridicule. S'il n'était pas mort, il serait là. Mais Oswin avait besoin d'encore un peu d'espoir pour ne pas péter les plombs, comme il n'avait fait en retrouvant sa soeur, mais cette fois-ci définitivement.

Cachés en forêt depuis quelques jours, dans une vieille cabane qui les protégeait la nuit et leur permettait d'avoir un peu de repos, loin de la ville et de ses dangers, Oswin s'était décidé. Il devait parler avec Louise. Parce que s'ils voulaient vivre ensemble, réussir à survivre, ils ne devaient plus se mentir. Les choses devaient être dites, au moins une fois, même si ensuite, ils s'interdisaient d'en discuter. Puis les choses étaient trop difficiles à cacher. Oswin n'y arrivait plus. Il était parti se balader, rechercher de quoi manger, mais c'était totalement bredouille qu'il était rentré. Dos à sa soeur, il sentait que c'était le moment. Le moment de tout avouer, mais ignorait comment il devait aborder la chose. Alors, il lâchait le morceau, comme ça, sans ton particulier, sans tristesse, il disait ces mots comme il aurait pu en dire bien d'autres, moins horribles. « Meena est morte. » Pas un mot de plus, pas une précision. Pas un tremblement dans la voix, pas un sanglot. Pas un pas vers sa soeur, pas un geste. Il attendait simplement la réaction de Louise et, peut-être ses questions... Ou ses aveux, même si ça, il préférait se le taire.